CITOYENS HUMANITAIRES
Préambule: J'ai pensé
qu'il était nécessaire de raconter l' engagement de "citoyens humanitaires" qui contrairement à celui des ONG, bénéficiant de fonds conséquents, a été rendu possible par le désir
d'aider ceux qui souffrent.
Nous avons aidé le peuple irakien entraîné dans la tourmente par la les évènements qui lui ont été imposé.
Cela m'a paru nécessaire de montrer les absurdités d'un embargo qui a fait souffrir cruellement tout un peuple et qui a engendré plusieurs milliers de victimes, surtout parmi la
population infantile.
La première fois que je me suis rendu en Irak, Pays que je ne connaissais pas, accompagné par un journaliste lyonnais, nous avons pu ramener des français bloqués dans ce
Pays.
Ce que nous avons fait, nous l'avons fait en qualité de citoyens français, sans aucune aide officielle, Les aides que nous pu obtenir étaient prodigués par des citoyennes et citoyens.Je
rend hommage au bénévolat qui nous a permis de réaliser notre souhait.
PHOTOS: à gauche :l'hôtel RASHEED et sa droping zone pour hélicoptères
La Mosquée d'AMMAN et le bureau de OUM RAZANE de "Paix et Solidarité"
La piscine du Rasheed
En bas à gauche: La Grande Mosquée BOU HANIFA de Bagdad ,Chérif et nos deux "guides"
en haut, les invités Français à l'hôtel Palestine, en bas, devant l'hôtel Novotel, de dos ,Philippe notre journaliste et Khaldoun notre "guide"
La première fois que nous nous sommes rendu dans ce Pays que nous ne connaissions pas, nous étions accompagnés par un journaliste Lyonnais qui allait réaliser un
reportage destiné à montrer une vision réaliste de la situation irakienne et rassurer les familles des Français "bloqués dans ce Pays à cette époque.
Nous étions fortement motivés à nous rendre en Irak, car faisant partie intégrante de la Nation Française, nous Français Musulmans, nous nous devions d'apporter notre modeste
contribution humanitaire envers nos compatriotes "bloqués" à l"etranger dans les graves circonstances guerrières qui s'annonçaient à cette époque.C'est ce que nous avons fait simplement en
qualité de citoyens Français.
Sans aide,critiqués dès notre départ,accusés parfois d'être manipulés par les dirigeants Irakiens, notre conviction d'être utile l'a emporté et nous a conforté pour cette initiative
apolitique et strictement humanitaire.La suite de mon récit prouvera que nous avions eu raison.
Nous avons pu ramener des Français bloqués dans ce Pays,
Par la suite, bouleversés par la situation dramatique qu'endurait le peuple Irakien, situation imposée par un embargo inique et inhumain, nous avons décidé d'engager des actions
humanitaires. C'est ainsi que j'ai crée l'ASFI (Association de Solidarité Franco-Irakienne).
Afin de pouvoir avoir un aperçu denotre personnalité, je vous livre les traits généraux de notre personnalité tels que notre journaliste les a décrit dans un de ses articles: (bien
entendu je lui laisse la responsabilité de son jugement àmon égard)
Président de la Fédération Nationale des rapatriès français de confession Islamique, Hachemi Bounini est un personnage étonnant. La cinquantaine,cadre dans une filiale de Thomson, c'est
un petit sec, nerveux parfois et d'apparence fragile. Déroutant parfois. Mais c'est surtout un sensible, un passionné,un fonceur.Maladroit, un peu naïf peut être.Mais c'est aussi sa force. Car
derrière tout ça, il y a une force et énérgie surprenante. Celle qui s'est manifestée chaque jour à Bagdad. (sic). (il avait oublié que je suis un ancien officier de l'armée de l'air)
Chérif Benameur, ancien harki,un peu plus jeune que Bounini. . Installé également à Lyon, Un grand gars costaud,rusé, solide, rassurant. Et d'une finesse surprenante. Et d'une finesse
surprenante. Toujours dans l'ombre, d'une discrétion presque maladive,il en impose. Avec sa façon de regarder les gens, d'estropier volontairement un mot et de glisser, l'air de rien, une petite
phrase décisive. Mais celui là, il faut l'apprivoiser. Méfiant,obstiné, habile...
Il n'a pas quitté Bounini d'une semelle.
Abderrahmane Benaoum, lui est un "beur" de 22 ans d'origine algérienne. Son père Louafi s'est battu aux côtés du FLN avant de faire dissidence et de quitter l'Algérie à la fin
des années soixante dix. Etudiant à l'université Lyon III en civilisation orientale, ce jeune imam milite pour un islam ouvert ouvert et tolérant. Têtu,fier, impatient,cultivé,curieux de
tout,cassant et nerveux parfois, c'est aussi un grand passionné. Il sait aussi surprendre et séduire avec son air candide et sa franchise un peu brutale. En Irak, c'est. Inutile de dire qu'il se
sentait à l'étroit dans ce rôle.
Nous étions trois homme de bonne volonté, c'était certain. Très humains au fond parce que tout à coup dépassés par nous même.Nous avions oublié tout à coup nos petites querelles et notre
grand projet de mosquée. Nous avions oubliés notre soif d'être reconnus. Dépassés par une superbe mission impossible: faire parler la paix au coeur d'une cité encerclée par la guerre.
Août 1990,
Mes amis et moi même suivions les évênements d'Irak que ce soit à la télé ou dans la presse. Nous ne connaissions pas l'Irak, ni les Irakiens, mais nous avions pris conscience qu'il
fallait faire quelque chose et ce, en faveur des Français qui étaient bloqués dans ce Pays? Certains disaient qu'ils étaient otages, d'autres, avec ironie les avaient surnommés "Les otages
piscine".compte tenu du confort dont ils jouissaient dans les grands hôtels. La seule contrainte qui leur était imposée était: de ne pas sortit d'Irak.
Nous avons décidé d'aller dans ce Pays, afin de rencontrer nos compatriotes , de les encourager et de leur dire de vive voix qu'ils n'étaient pas abandonnés par l'ensemble du Peuple
Français.
Nous avons pris contact avec l'Ambassadeur Irakien à Paris, S.E Abderezak EL HACHIMI et lorsqu'il nous avait reçu, nous lui avions exposé le bien fondé de notre démarche et de notre
souhait. Il semblait intéressé par notre initiative qui se voulait essentiellement humanitaire. Il allait consulter Bagdad et nous rendrait la réponse. Nous lui avions bien précisé que lors de
notre visite à Bagdad, nous serions accompagné par un journaliste. En l'occurence, il s'agissait de Philippe BRUNET-LECOMTE, journaliste à Lyon Figaro.
Huit jours plus tard, l'Ambassadeur nous informait que notre demande était acceptée et après de brefs préparatifs, nous avons pris le chemin de Bagdad avec un apréhension certaine, car
les nouvelles qui nous parvenaient sur la situation en Irak, n'étaient pas réjouissantes. Une logique de guerre s'était établit. Elle paraissait inéluctable!!!
Nous,nous partions avec un but précis: l'humanitaire et une logique de paix.
Avant notre départ, les "services"officiels Français ont tenté de nous dissuader de nous rendre en Irak, pretextant que le Gouvernement ne voulait pas de diplomatie paralléle et que
s'il nous arrivait quelque chose en Irak,le gouvernement ne lèverait pas le petit doigt pour nous sortir d'un pétrin possible. Nous n' avions cure de cet avertissement, conscients de notre
détermination et de notre bon droit.
ET nous avons pris le chemin de Bagdad en compagnie de notre journaliste." ADVIENNE QUE POURRA!!!!"
Nous avons pris l'avion d'Air France à Roissy CDG, direction AMMAN en Jordanie.
à 23 heures,Arrivés à l'aéroport de la capitale Jordanienne, nous étions attendus par des gens de l'Ambassade d'Irak et des journalistes.
Tôt dans la matinée nous sommes reçus longuement par Nabir KOURDY, Ministre par intérim des Affaires Islamiques, mais également Ministre d'Etat chargé des relations avec le Parlement..Le
Ministre nous accueille chaleureusement sous le portait du Roi Hussein et devant une tasse de thé, la discussion s'engage.
"Est ce que les musulmans de France ont la parole sur la scène politique française?" interroge le Ministre, un petit sourire aux lèvres.
Je n'hésite pas et lui répond:
"Nous nous battons justement pour ça et la missiion humanitaire qui débute ici sera une occasion de prouver que nous pouvons jouer notre rôle.
Il ne fera aucun pronostic sur un succès ou un échec de notre mission car précise t-il " Il n'appartient pas au Ministre de donner son opinion" On est dèjà dans l'ambiance des
discussions orientales. C'est pour nous une bonne mise en forme avant BAGDAD.
Et de GAULLE arrive sur le tapis "aujourd'hui, la France a besoin d'un homme comme lui qui s'est battu pour la liberté de son Pays et pour la Paix dans le Monde.
Le Ministre conclut en précisant qu'une force Jordanienne porte le nom du Général de GAULLE. Ce qui, précise t-il est un symbole important.
Abderrahmane explique le but de notre mission, rendre visite aux otages français retenus en Irak et demander leur libération immédiate. "Dieu vous protège" lance le Ministre en nous
remettant une superbe édition du Coran.
Prière à la Mosquée Abdallah,Déjeuner rapide et visite d'un camp de réfugiés. A Andalus, 3000 asiatiques s'entassent sous des tentes bleues et jaunes, il flotte une odeur de misère,mais
les bénévoles font le maximum. Discussion avec les responsables du camp. Avec Cherif, nous recensons les besoins les plus urgents en médicaments. On évoque le prblème des bagarres à l'intérieur
du camp, les maladies et surtout le choléra.Sous la tente qui sert de magasin aux vivres, des montagnes de conserves. Au milieu, du corned-beef avarié offert par la Communauté européenne. Il ne
sera pas consommé par ordre des médecins présents au camp.
,L'Après midi, vers 1630 Heures, nous devions prendre l'avion d'Iraki Airways à destination de Bagdad. Du haut de la salle d'attente de l'aéroport, nous pouvions voir des
colonnes de réfugiés se dirigeant vers de gros porteurs pour leur rapatriement dans leurs Pays d'origine. Ces avions avaient été affrétés par la Croix Rouge internationale... Ces réfugiés étaient
pour la plupart, des Asiatiques et des Arabes. Il y avait également des occidentaux.
Nous avons attendu jusqu'à 20 Heures pour pouvoir décoller, destination Bagdad.
Photos:en haut, l'auteur dans sa chambre au Rasheed
en bas: le chef barman du Rasheed
"LES DES étaient jetés."
Dans l'avion, nous étions trois. CHERIF le Président départemental des Français Musulmans du Rhône , MOHAMED, le jeune interprète et moi même. Sans oublier Philippe, notre journaliste,
fébrile à l'idée de faire un bon reportage sur la situation Irakienne.
Le vol entre Amman et Bagdad dure 45 mininutes.. Pendant ce temps, nous étions, il faut l'avouer, assez stressés. Qu'est ce qui nous attendais à l'arrivée? Avions nous endossé un costume
trop grand pour nous?Sans aucune aide.Il nous avait fallu suporter tous les frais de ce voyage mal vu et incompris par le quai d'Orsay. Pour le Gouvernement Français, nous étions des éléctrons
libres qui allaient se jeter dans la gueule du loup.
Qu'a cela ne tienne, nous devions apporter notre contribution dans cette crise et ce, en qualité de simples citoyens allant soutenir d'autres citoyens.
Vers 23 heures, nous atterrissions à
l'aéroport de Bagdad. Des officiels Irakiens nous attendaient et lorsque nous sommes sortis de l'aéroport, une haie d'honneur formée par des enfants, a honnoré notre arrivée. Nous étions
très émus de cet accueil auquel nous n'étions pas habitués.
Nous sommes conduits par les Autotités Irakiennes dans un salon de l'aéroport. Discours d'accueil et réponse de ma part.La presse locale était là (télévision comprise)
J'explique que la Communauté Musulmane de France compte quatre millions d'âmes "Nous sommes venus vous apporter un message de paix et de fraternité.Nous sommes également venus rendre
visite à nos compatriotes français qui sont retenus chez vous, nous assurer qu'ils sont en bonne santé, qu'ils sont bien traités..."
Nous sommes montés dans des limousines, une pour chacun d'entre nous et nous sommes partis à Bagdad.Nous sommes arrivé à l'hôtel "Babylone" où un encas nous fut servi.
Puis, nous avons regagné notre chambre. La journée ayant été assez éprouvante pour nous,la nuit avait été propice pour nous ralaxer et pouvoir ainsi aborder les jours suivants avec plus
d'énérgie.
Matinal comme d'habitude, et pour me repérer, je sors et suis sur le balcon de ma chambre. A mes pieds, coule le fleuve Tigre, calme et majestueux.Je peux enfin voir cette ville de
Bagdad tant de fois louée et qui me rappelait les contes des "mille et une nuits". Je m'aperçois que nous ne somme pas loin de zones sensibles, car sur bon nombre d'immeubles environnants, des
batteries anti aériennes sont disposées.
Je descend rejoindre mes amis pour le petit déjeuner.
C'est qu'alors
qu'un homme vient vers nous et se présente "je suis Gilles MUNIER" des Amitiès Franco Irakiennes.
Surpris, nous nous demandions qui était ce type, surtout qu'il nous fallait observer la plus grande prudence en ces temps et en ces lieux.Nous avons rendu la politesse à ce Français qui
sur le moment ne nous inspirait pas confiance.
Par la suite, des années plus tard, Gille MUNIER est devenu mon ami et actuellement ses écrits sur l'Irak sont devenus
des références en la matière.
Un de nos gardes du corps, vient nous annoncer qu'à 11 Heures, nous avions rendez vous au Ministére de l'information, ave le Ministre de l'information, Latif JASSEM.
PHOTOS: jardins du Rasheed
La réputation du Ministre ,'Homme
fort du Régime était notoirement connue. C'était un ami très cher du Président Saddam.
Philippe, notre journaliste, était content, car pour lui, son reportage s'annonçait fructueux.
Pour nous,cette entrevuie avec le Ministre s'inscrivait dans la normalité de notre action dont le but était maintenant clairement affiché: voir nos compatriotes Français,les rassurer, les
reconforter et persuader les Autorités Irakiennes de les libérer.
Pour cela, nous avions décidés de plaider au nom de la mansuétude musulmane et ce, en qualité de Citoyens Français Musulmans.
Nous étions conscients que notre démarche était ardue et que le résultat final était aléatoire au possible.
Il n'était pas question pour nous d'entrer sur le terrain politique, mais de nous cantonner strictement sur l'option humanitaire.
Que nous le voulions ou pas, nous étions bel et bien confrontés au climat politique, car tous les représentants Irakiens que nous verrons par la suite,nous exposeront systématiquement la
vue de l'Irak de manière politique.
Le programme de notre visite à Bagdad était établi par l'Association "Paix et Solidarité et amitiés" en quelque sorte un Service du protocole appelé en Arabe "Mounadama"
Des limousines nous attendaient à la sortie de l'immeuble et nous etions escortés par "des gardes du corps"
Nous allions voire le Ministre de la Culture et de l'information, le fameux Lati JASSEM, celui qui avait promis de "manger" les pilotes Américains qui tomberaient sur le sol
Irakien.
On débarque au Ministére en silence. surprise!!Gilles MUNIER était là, ce qui nous a mis mal à l'aise . Que venait t-il faire? là et avec nous?
Le Ministre nous avait accueilli dans un immense salon très bien décoré .
Des journalistes Irakiens étaient là et un fonctionnaire prenait des notes.
Gilles MUNIER se place à la droite du Ministre et prend la parole: "la présence sur le sol Irakien des invités occidentaux a son utilité. Elle permet d'éviter que votre Pays soit bombardé
par les Américains. Bien que je sois contre le principe, c'est un cas de force majeure. Il ne faut pas que vous les laissiez partir. Ils vous servent de boucliers humains...."
L'air triomphant, le Ministre lui coupe la parole " C'est pour ça qu'on les garde!"
Crispés, prêts à bondir, nous étions sonnés par ces déclarations. Furieux, scandalisés, nous exigeons du Ministre à être démarqué de Gille MUNIER car nous ne faisions pas partie de son
association et nous ne partagions pas ses idées. Notre esclandre peu diplomatique avait provoqué l'incident. Un froid glacial planait au salon ministériel.
Le Ministre, encaisse, quitte la salle suivi par un de ses collaborateurs.
Lorsqu'il revient, l'ambiance est très tendue. Il nous donne acte de notre désaccord vis à vis de Gilles MUNIER,et admet, que nous ne pouvions pas être compatibles au niveau
des idées concernant l'Irak avec le Secrétaire Général des Amitiès Franco Irakiennes.
Le Ministre nous propose de changer d'Hôtel et de nous loger à l'Hôtel Rasheed dont la notoriété n'était plus à faire. Cela nous arrangeait énormément, car dans cet hôtel, passage
obligé des journalistes et diplomates, le service de communication convenait idéalement à notre journaliste qui pouvait envoyer ses articles à son quotidien Lyonnais.
L'entretien avec le Ministre s'est achevé, l'ambiance glaciale subsistait.Les sourires et les salamalecs étaient de façade.
La traversée de Bagdad s'était effectué à grande vitesse et en silence.
Avant d'arriver à l'Hôtel Rashhed, je m'étais énervé et j'ai dit à mes compagnons "Ce Munier, quand il justifie les otages, il justifie la logique de guerre. Nous on est venu dire
l'inverse, pour entrer dans une logique de paix, l'Irak doit libérer tous les otages pour désarmer ceux qui veulent la guerre."
C'est l'heure du dîner. A la sortie du restaurant, trois "invités" français, d'origine malgache, tentent d'aborder Abderrahmane. Les irakiens s'interposent puis laisse faire. Le Lyonnais
garde son calme, note les noms et les écoute. Ils ont vu la délégation s'expliquer à la télévision. Ils viennent demander de l'aide, car, disent ils, eux aussi sont musulmans.
Réponse de notre jeune imam " Rentrez à votre hôtel, nous travaillons pour vous, ne travaillez pas contre nous..."
Week end matinal pour nous. Dépot de gerbes sur la tombe du Soldat Inconnu de la guerre Irak-Iran.Nousvisitons ensuite, le musée situé sous le monument. Très intéressant ce musée,
car il retrace l'épopée guerrière de l'Irak.
Dimanche en fin d'après midi, nous allons à la rencontre de l'armée populaire. Nous sommes invités à une parade dans la banlieue de Bagdad. Le Peuple en Armes!!!Slogans,défilés,
kalachnikovs brandies. Derrière l'agressivité c'était la fête joyeuse. Dans ces moments là, on ne sait plus trop quoi penser.
Très ému par la présence de nombreux enfants vêtus de treillis militaires, je prend à part un jeune volantaire. Il avait l'âge de mon fils. "J'ai un garçon comme toi...Je ne sais
pas s'il aurait le courage de prendre les armes pour défendre sa patrie...Je caresse la tête de l'enfant et je l'embrasse.J'étais très ému à l'idée que l'avenir de tous ces enfants était
hypothéqué par les sombres evênements qui se préparaient.
Je me reournealors vers les officiels et en arabe je leur dis: "Nous sommes venus vous apporter un message de paix.Ne croyez vous pas qu'il serait préférable que ces enfants puissent
jouer, travailler, étudier normalement plutôt que que de s'entraîner de faire la guerre" Autour de moi, on hoche la tête en signe d'approbation . Un bref silence bienfaisant plane sur cet
endroit. ET tout à coup, la musique et le défilé reprend "Bush down, ya Saddam" sort de cette foule comme un défi lancé au Monde entier. Retour à l'hôtel. Un homme vient à ma rencontre. Il
s'agit d'un Français retenu en Irak.
Il me fait part qu'il à un message oral à me transmettre de la part de Monsieur André JANIER, Chargé des affaires de l'Ambassadede France, car il n'y avait plus d'Ambassadeur.
En fait, Monsieur JANIER était le véritable "patron" de l'Ambassade".
Monsieur JANIER, soyuhaitait me rencontrer. Que ce soit à l'Ambassade de France ou à l'Hôtel Rasheed. Le choix m'appartenait. Ne voulant pas nous mettre en porte à faux vis à vis de nos
"hôtes" Irakiens, j'optais pour une rencontre à l'hôtel.Il avait été convenu que le Chargé d'Affaires me téléphonerai pour le rendez vous.
Nous faisons connaissance avec le Délégué Général de Thomson/CSF en Irak.
Nous le questionnons sur la mentalité Irakienne et il nous répond "Les Irakiens, je les connais très bien, étant depuis 5 années en Irak.Ils ont tout, l'eau, le pétrole et ils ne sont pas
cons. Quand on leur explique une chose, il est inutile pour nous de répêter. Ils sont très dynamiques et entreprenants.
Sur ce, nous alloons nous coucher, car la fatigue se faisait ressentit. La journée avait été chargée.
Lundi matin,
Les contacts se multiplient. Avant une entrevue avec le Président du Parlement, nous effectuons une courte visite au Ministre chargé des cultes. L'Irak étant un Pays laïc, dans Bagdad on
peut voir des Mosquées (Chiites ou sunites) et des Eglises chrétiennes.
Le Ministre nous accueille dans le Ministère.Bâtiment modeste, mobilier vetuste.
Pas de slogan. Pas d'agressivité. Un mot revient souvent de la part du Ministre "SALAM" (la paix) Ce n'était pas un débat contradictoire.
La conclusion du Ministre est la suivante "L'homme n'est pas simplement fait de matère, il a besoin de valeurs. Aujourd'hui, l'humanité dérape, elle traverse une zone dangereuse, car elle
a oublié ça. Les grandes puissances croient que leur technologie suffit pour s'imposer au monde. c'est leur grande faiblesse. Notamment vis à vis du monde arabe.Car nous ne voulons pas sacrifier
nos valeurs.
Nous prenons congé du Ministre et rejoignos l'hôtel Rasheed.
L'après midi, accompagnés de notre garde du corps, Chétien Irakien, de haute stature et d'un chauffeur, nous nous sommes promenés dans Bagdad. Nous avions émis auparavant le souhait de
rencontrer le peuple Irakien au cours de cette promenade.
Bagdad, une ville dont le nom fait rêver.Nous découvrons une mégalopole, animée, sereine. Peu de militaires apérçus. On ne sentait pas une atmosphère de crise guerrière.
Cette Capitale, n'avait rien à envier aux autres Capitales. Larges avenues, grands immeubles résidences particulières attrayantes et une intense circulation automoblile.
Nous sommes allés visiter le vieux Bagdad et la fameuse rue Rachid. La vieille ville rappelait les souvenirs séculaires de la nation Irakienne.
Nous sommes allés au souk bondé de gens affairés Khaldoun nous a montré quelques immeubles où des impacts de missiles et obus Iraniens s'étaient encastrés. Le souvenir de la guerre Irak
Iran était encore vivace dans l'esprit Irakien.
Puis nous sommes allés sur la rive gauche du Tigre, là où se trouve l'Ambassade de France. Pas d'ambiance de tension. L'Ambassade était gardée de l'extérieur par deux soldats Irakiens qui
avaient l'air de s'embêter ferme.
On avait l'impression que l'Ambassade n'était pas inaccessible contrairement à l'Ambassade d'Irak à Amman.
Sur le quai, bon nombre de restaurant de plein air proposaient le"mezgouf", le régal des Irakiens. Le "mezgouf" gros poisson genre siliure , prit vivant dans l'aquarium, était ensuite
cuit à la broche. Comme un méchoui.
Inviter un Irakien à manger un "mezegouf" est pour lui un privilège honorifique.
Nous avons fait quelques achats dans les boutiques (articles féminins, babioles etc..)
Nous avons rencontré des Irakiens du peuple,au hasard et nous avons engagé la discussion avec eux.Nos "accompagnateurs" nous laissaient faire. Un climat de confaince commençait à
s'établir entre nous.
Ensuite, nous nous rendons au Siège de l'association " Paix , Solidarité et amitiès" En fait il s'agissait d'un organisme officiel qui avait en charge la gestion des Personnalités
étrangères. Une sorte de Service du protocole
qui s'occupait de la programmation des visites et des rendez vous avec les hautes personnalités Irakiennes.
Dans le bâtiment sobre, se trouvait, trônant à son bureau, une femme assez âgée, qui régentait tout ce dont elle avait la responsabilité.Accueillante, toujours souriante, elle nous avait
souhaité la bienvenue et nous avait demandé
ce que nous souhaiterions.
Elle s'appellait OUM RAZANE. Telle que je la voyait, affairée, répondant aux nombreux appels téléphoniqueset donnant ses directives , je dis à Chérif "Cette femme vaut 5O hommes"
Elle nous informe que Jeudi, nous aurions un rendez vous avec le Vice-Président de la République, N° 2 du régime, Monsieur Taha Yassin RAMADAN.Une très grosse pointure en Irak.
Et nous regagnons notre hôtel, contents de la journée que nous venions de passer.
Le hall de l'hôtel, comme à son habitude, était très animé. On avait pas l'impression que la guerre était aux porte de Bagdad.Avec mes amis, nous sommes allés au bar de l'hôtel pour nous
désalterer et c'est ainsi que nous avons fait connaissance du chef barman, d'origine marocaine. Il était très heureux de nous accueillir car il nous avait reconnu à la télé.
Le portier du Rashedd , affublé de la tenue folkorique Irakienne était lui aussi d'origine marocaine.
Dîner au restaurant, puis chacun avait regagne sa chambre.
Mardi,
Début d'après midi rencontre avec Monsieur André JANIER chargé d'Affaire et "Patron de l'Ambassade de France"
La rencontre a eu lieu en terrain neutre, dans le hall de l'hôtel Rasheed.
De manière très diplomatique, il nous dit: "Vous n'avez ni interdiction, ni encouragement...Vous êtes une mission strictement privée.
Nous nous attendions à ce genre de propos et nous comprenions que Monsieur JANIER les tienne.
Mais instinctivement, je perçu de ce diplomate, un encouragement à poursuivre notre action. La franchise émanait de cet homme et converser avec lui était très agréable.Il avait très bien
compris le but exact de notre mission humanitaire et cela nous suffisait en tant que Français.
Une inviation nous est adressée par Monsieur JANIER pour le soir même, à l'Ambassade de France. l'Ambassde "fête" l'expulsion de onze diplomates.En premier lieu, nous refusons,
ne voulant pas une nouvelle fois, nous mettre en porte à faux vis à vis des Irakiens.
Ayant fait part aux Irakiens de notre refus et la raison qui a motivé celui ci, les Irakiens nous demandent d'aller à cette reception, mais accompagné par un garde du corps, qui était en
réalité un homme des services secrets.
J'appelle Monsieur JANIER et lui fait par du "souhait" Irakien.
Monsieur JANIER me répond "Il n'y a pas de problème, venez avec lui"
Et nous voici, nous quatre français accompagné de notre "garde du corps prénommé OMAR" aller à la petite fête" de l'Ambassade de France.
A 21 heures, une centaines "d'invités" discutent un verre à la main, dans les jardins de l'Ambassade de France"Pour nous, c'était le premier contact avec la communauté Française en
Irak.Un petit attroupement s'était s'était crée autour de nous.D'abord, on nous manifestait de la curiosité.
Nous expliquons clairement ce que nous sommes venus faire ici. On nous écoute avec intérêt.
Le premier à prendre la parole est le délégué de Thomson en Irak. " en France, on les voit comme des gens durs, agressifs. C'est faux et c'est injuste.Bien sûr, ils sont rationnels,
carrés mais ausi ouverts et tolérants. En fait, ils ressemblent aux Français par certains côté : fiers, individualistes, indépendants...Très gaulliens. Vous allez penser que je dis un
énormité, mais ce sont des humanistes."
Soudain deux jeunes déboulent, visiblement éméchés. Ils étaient rès excités "Qu'est ce que vous venez foutre ici? On ne va quand même pas baisser notre pantalon devant les Irakiens!"
Et l'un d'eux dérape et lance à notre égard ."C'est des Français,ça?"
J'ai retenu Chérif, ancien combattant français, qui a versé son sang pour la patrie. Mon ami, tel que je le connaissais, allait se chargé de cet individu, rasciste occasionnel , petit
technicien, qui ne crachait pas sur l'argent arabe.
J'ai donc calmé le jeu, ne voulant pas offrir à notre "guide" Irakien une image qui aurait terni la solidarité Française.
On croise le Professeur BOBIN, éminent cancérologue Lyonnais. Sous Directeur du Centre anti cancer Léon Bérard de Lyon, il avait pris avec son épouse, au Koweit où il allait de temps à
autre exercer son art.Son épouse avait été libérée, mais pas lui et nous avions appris que les Français pris au Koweit étaient particulièrement "pris en charge" par les Irakiens.
Il était à remarquer que le Centre anti-cancéreux Léon Bérard de Lyon avait un projet d'implantation d'un service anti-cancéreux dans la région.
La libération du Professeur BOBIN faisait partie des objectifs que nous étions fixés
Nous avions plaidé sa libération lors de notre première visite à l'Ammbassade d'Irak à Paris.
On se congratule entre Lyonnais. Abderrahmane, notre jeune interprête avait fait ses études avec Sophie, la fille diu cancérologue.
Visiblement exténué, il nous dit:
"Quand la crise a éclaté, j'étais dans la région pour opérer quatre ou cinq malades graves. Je devais rentrer en France le 2 Août...Quand j'ai été surpris, j'ai alors pris la route pour
regagner Bagdad et, depuis j'attends.Tout va bien, on est bien traités, mais c'est usant psychologiquement,surtout quand on sait,comme moi, que j'ai tout un service qui m'attend avec des malades
gravement atteints.Il faut que je rentre...
Le délégué Général de Thomson nous dit: "Ici, le Professeur BOBIN est devenu le médecin de cette petite communauté Française, s'il s'en va, c'est bien, mais il va nous manquer"
Installé au Novotel, le "docteur" a en fait élu domicile chez des résidents Français, dans une grande maison à Bagdad, plus agréable,moins stessante que ces hôtels où des centaines
"d'invités" tournent en rond, désoeuvrés, angoissés.
Et le Professeur BOBIN de poursuivre:
"Pour moi, tout va bien,mais c'est quand même très difficile psychologiquement d'être retenu ici, même si les Irakiens avec qui nous sommes en contact sont très gentils et même si nous
pouvons circuler librement en ville.Les gens ici, les Français, ça leur tourne la tête. Ils sont ballottés entre les rumeurs, les faux bruits et les faux espoirs...De temps en temps,certains
craquent, mais ce qui me frappe le plus c'est la solidarité qui régne entre eux et la dignité de tout le monde.
Peut il avoir un point de vue sur la crise du Golfe?
"Bien sur.Ici à Bagdad,on voit les choses différemment. Je crois qu'il faut négocier. En tant que médecin, j'ai décidé de consacrer ma vie à soigner les gens, j'essaie de sauver des vies
humaines...J'arrive donc difficilement à admettre qu'on puisse se lancer dans une guerre qui pourrait faire des dizaines de milliers de morts. Aujourd'hui, MITTERRAND semble avoir fait un
pas, il faut continuer dans ce sens. Et si les otages reviennent en France, tout peut basculer favorablement. Ce sera alors un signe"
Mais le Professeur BOBIN va plus loin. Fondateur de l'Association Franco-Arabe de cancérologie,il continue son plaidoyer en faveur de la paix.
"Nous avions des relations privilégiées et solides avec l'Irak.Il faut les préserver. Nous avons toujours eu une politique intelligente vis à vis des Pays Arabes. Il faut la poursuivre.Si
je rentre, quand je rentrerai, je répéterai ça aux Autorités Françaises. Les Irakiens attendent beaucoup de la France, nous avons un crédit énorme ici, beaucoup mieux que de faire la
guerre"
Le Docteur ne nous en dira pas plus. Il quitte la réception en nous saluant et nous souhaitant bonne chance.
"Quelque soit le résultat de votre visite, c'est une superbe initiative. Vous êtes des hommes de bonne volonté et c'est ça l'essentiel"
Ces dernières paroles provenant du Docteur, nous ont fait chaud au coeur.La meilleure récompense que nous avons eu, fut de ramener le Professeur en France avec nous.
Nous avons eu d'autres conversations avec des Français. Des journalistes sont là, ils nous interrogent et nous répétons une fois de plus l'objectif de notre mission." Apporter un message
de paix" mais également "exprimer une solidarité avec les Français retenus ici"
"Mais qu'est-ce que vous allez obtenir?" interroge vivement Jean Luc.
"Est-ce que, finalement voyus n'allez pas simplement servir de caution à Saddam Hussein? ajoute son voisin.
L'ambiance monte d'un ton. Ici, il ya quelques jours, Gilles MUNIER, Secrétaire Général de l'Association France-Irak s'était littéralement fait éjécté de l'Ambassade par quelques
"invités" en se faisant traiter de "collabo" et de "lépéniste"
Chérif, prend le relais et calmement, il explique notre attitude qui est très différente de celle de Gilles MUNIER.
"Lui, il a dit devant nous, aux autorités Irakiennes que les "invités" étaient indispensables pour protéger leur Pays et qu'ils devaient les garder. Il a même promis d'en amener d'autres,
violontaires, ceux là, pour constituer des commandos de la paix. Nous ne sommes pas d'accord avec lui, car ce discours s'inscrit dans une logique de guerre.Il continue à parler en terme d'otage,
à se placer dans une perspective de conflit. Nous, nous disons exactement l'inverse: Il faut libérer ces "invités" pour mettre en place une dynamique de paix.C'est ce que nous expliquons
aux Irakiens en insistant sur le fait que l'opinion Française attend un geste, qu'elle hésite et que le gouvernement Français ne pourra pas rester insensible à cela.
Nous continuons donc à expliquer notre initiative basée sur une logique de paix. Le message est parfois difficile à faire passer.
Denis, un autre "invité" nous dit: " Vous êtes les premiers à vous inquièter de notre sort, vous êtes venus ici pour essayer de faire quelque chose. Continuez, on vous
soutient..."
Abderrahmane discute avec un diplomate.Le contact est difficile à passer. A sa logique de paix, il se voit réplique sur un ton paternel "Fermeté"
Côte du Rhône,bière, sodas, boissons sans alcool. C'est la fête. On s'amuse entre petits groupes. On rit, mais les regards sont éteints. Nous entendons des monologues
émouvants.
"On nous a oubliés, on compte pour rien.Quand je pense que c'est vous, français Musulmans qui êtes les premiers à venir nous voir, les premiers à vous intéresser à nous.*
Un autre parle de brûler son passeport et sa carte d'électeur quand il reviendra en France.
Otages piscine? On soupire "Quelle connerie!!" Visiblement, ils en ont marre de ces clichès cruels et ironiques.
Un vieux ironise: "les chefs d'Etat se font aujourd'hui une telle idée d'eux même, que la terre n'arrive plus à les porter"
Cette reflexion ironique fait rire.
Autour de nous,enfin, l'atmosphére se détend. André JANIER quant à lui, reste ferme sur la "position du gouvernement" mais il nous encourage à faire ce que nous pouvons.
Un autre diplomate me serre chaleureusement la main en me disant " Allez y ,foncez! c'est le moment..."
Un peu paumés, au milieu de tout ça, nous essayons de garder notre calme. Nous avion l'impression d'être dépassés et nous nous sommes rendus compte que notre mission humanitaire
prenait une tournure inattendue.
Légérement en retrait, OMAR, notre "guide" observe, souriant et attentif. Il sa'pproche parfois pour demander la traduction d'un mot ou d'une expression. C'était indispensable pour
la rédaction de son rapport en haut lieu.
Visiblement le discours de MITTERRAND à l'ONU avait eu de l'impact, ici à Bagdad, chez les Français bien sûr,mais également chez les Irakiens. Comme l'expliqua un interprête local "ça
attendrit le climat'"
L'heure devenant tardive, nous prenons congé et remercions notre hôte, Monsieur JANIER, de son excellent accueil. Nous saluons à la ronde, tous ces Français pour lesquels nous
partagions concrètement, maintenant leurs angoisses et leurs incertitudes.
Chérif visiblement ému, me dit :" Je supporte mal d'entendre tous ces gens qui souffrent."
Philippe, notre journaliste, continue d'accomplir son reportage.
Nous rentrons au Rasheed et Philippe rejoint la salle de télécommunication pour envoyer ses articles à son journal, à Lyon.Le hall de l'hôtel, malgré l'heure avancée de la nuit, ne
désemplissait pas.Beaucoup de monde, beaucoup d'étrangers et bon nombre d'agents de sécurité qui curieusement avaient la "téléphonite" aigüe, car on les voyaient souvent utiliser un des
téléphones muraux et ce, dès que quelqu'un entrait dans l'hôtel.
Jeudi,
"Paix et Solidarité" nous informe que nous avions décroché le rendez vous avec Taha Yassine RAMADAN,Vice Premier Ministre et n° 2 du régime.Cela devait avoir lieu à 11 heures.
A 10 h30, deux grosses mercedes conduites par des militaires, nous embarquent. La traversée de Bagdad se fait à vive allure.
Arrivée au palais présidentiel. Ls barrages et les contrôles sont très stricts.Nous arpentons de longs couloirs tapissés de rouge. Le bâtiment est gigantesque et à chaque pas,
un soldat en arme, imperturbable.
Nous sommes reçus dans un immense bureau et nous attendons.
Brusquement, tout le monde se lève. Le vice Premier Ministre apparaît,en tenue militaire vert olive, le pistolet au ceinturon.
Pas très grand, le crâne légérement dégarni. Le regard noir et inquisiteur et la moustache de rigueur.
Courtois, prècis, il va très vite à l'essentiel. En quelques minutes, il nous fait l'analyse de la crise.Très rationnel, tès argumenté.
Je prend la parole en qualité de chef de la délégation. J'étais ému, j'avais la gorge serrée.Au départ ma voix était un peu tremblante, non pas d'être impressionné par notre hôte, mais
j'étais conscient que là se jouait la suite de notre mission humanitaire. Mes amis, à mes côtés, étaient suspendus à mes lévres,crispés, tendus. La scène était incroyable.
Pied à pied, je tente de convaincre le Vice premier Ministre. Logique de Paix, toujours:
Je dis:
"Aujourd'hui, l'opinion Française hésite. Personne ne veut se faire tuer pour le Koweit. Mais le fait que des Français soient retenus en Irak est un argument pour ceux qui veulent la
guerre. Il faut que l'Irak fasse un geste, que les "invités" rentrent en France...C'est la seule façon de s'engager sur le chemin de la paix...
RAMADAN intervient d'un ton sec:
"Dans votre démarche, nous voyons une attitude morale et sérieuse"
Progessivement, le dialogue s'accélère. J'insiste, j'argumente. Je demande à pouvoir visiter l'hôtel Mélia-Mansour,
le fameux centre de tri des otages à Bagdad.
Je demane aussi de pouvoir rencontrer le "raïs" et de me rendre sur un site "stratégique" où l'on disposé des boucliers humains.
Mon interlocuteur m'écoute sans broncher et nous promet "Je transmettrai."
Puis il prend un ton plus solennel "Nous avons demandé à plusieurs reprises au gouvernement français de pouvoir envoyer des émissaires irakiens chez vous pour engager le dialogue,
sans lui demander d'approuver notre politique.Mais pour maintenir des liens, pour faire entendre directement notre point de vue, pour commencer à discuter....Chaque fois, cela nous a été
refusé. Comment voulez vous qu'on puisse faire la paix, si on ne peut même pas se parler. Quand vous reviendrez en France, transmettez ce message: nous voulons le dialogue, car nous voulons
la paix.
L'entretien étant terminé, nous prenons congé et remercions cette haute personnalité irakienne de son accueil et de sa compréhension.
Mes deux amis et moi même discutions dans une chambre de l'hôtel, lorsqu'un de nos "guides" khaldoun débarque; "Vous avez l'autorisation d'aller au Mélia Mansour" Le fameux centre
de tri pour tous les otages provenant du Koweit.
L'inviation était valable également pour notre journaliste. "Vous êtes le premier journaliste à aller au Mélia Mansour" lance t-il en riant.
On suit Khaldoun, malgré notre fatigue .Arrivée au Mélia, Palace au style hispanique. Rien à voir avec le régime de semi-liberté des autres hôtels.Contrôle militaire serré à
l'entrée,barrière de sécurité, on est surpris en arrivant dans le hall: lumière tamisée, silence pesant, surveillance étroite, atmosphére étrange. Un civil ouvre la marche. On tombe sur les deux
Français qui séjournent ici en compagnie d'une trentaine d'occidentaux. Six autres Français viennent justement de quitter les lieux pour une destination inconnue. Parmi eux, les trois qui avaient
été coincés par l'armée irakienne au Koweit dans la résidence de l'Ambassadeur de France.
Nous discutons avec des personnes de l'Ambassade qui avaient obtenu l'autorisation de rendre visite aux Français et ce,tous les jours, pendant deux heures.
Présentations, on commence à parler avec "les invités",mais une jeune femme de l'Ambassade intervient vivement.
Elle interrompt notre journaliste "surtout, il ne faut pas les interviewer,ne pas citer leur nom, moins on parlera d'eux, mieux ça vaudra" Pourquoi? Etait ce une consigne
officielle?Mystère!
Les deux Français du Mélia expliquent qu'ilsce, sont là depis deux semaines, qu'ils sont bien traités; nourriture correcte, deux heures de piscine par jour, deux heures de visite
avec les gens de l'ambassade de France. Le plus dur, c'est d'être obligés de passer le reste du temps dans leur chambre ou dans les couloirs de leur dixième étage sans le moindre lien avec
l'extérieur, sans le moindre téléphone.
Alex, un du Mélia est visiblement très éprouvé. "Les Irakiens sont gentils avec nous, mais on n'a pas de liberté. Liberté, c'est un mot qui pèse lourd quand on est privé, on parle
beaucoup et on manifeste beaucoup pour la liberté....Sans en connaître vraiment la valeur. La valeur, nous maintenant, on sait"
Le vieil Alsacien qui est avec lui dit la même chose. Il a l'air très fatigué, affaibli, à bout de force. Nous avions déjà demandé de rapatrier ces deux "invités" qui, l'un et l'autre,
avaient de sérieux problèmes de santé.Tous les deux vennaient du Koweit et ils sont la d'attendre. "C'est usant psychologiquement " expliquent-ils car à chaque instant, ils redoutent le pire:
partir pour une destination inconnue, sur un site stratégique.
"On en vient à espérer ça, avoue Alex en ajoutant, au moins on sera à l'air libre"
Notre venue avaient provoqué un espoir. Je leur explique que j'avais fait une démarche pour eux, en précisant que c'était loin d'être acquis.
Nous dinons au restaurant en sous sol du Mélia en compagnie des Français. Une trentaine d'occidentaux sont là. Ils mangent en silence, en jetant sur nous des regards intrigués.
Alex nous dit" les irakiens qui s'occupent de nous comprennent notre douleur, c'est difficile pour nous, très difficile.Ils le savent. Il ne nous reste qu'une chose;espérer un
geste,croire que l'amité entre la France et l'Irak aura laissé des traces malgré tout. Personne ne veut la guerre...Alors,il doit bien avoir une solution....On évoque le discours de
MITTERRAND à l'ONU,ici, dans ce huis clos, un peu lugubre.Les paroles du Président Français ont été accueillies avec un immense espoir.
Le dîner est terminé, on visite l'hôtel. Les deux "invités" insiste sur le "dévouement" de l'ambassade française.. C'est leur seul lien avec le monde extérieur. Nous tentons de les
réconforter et nous leur expliquons le sens et l'objectif de notre mission.Nous leur demandons s'ils avaient besoin d'argent? de cigarettes, ou autre chose.
"Non tout va bien de ce côté"Ce qu'ils éprouvaient au fond: un grand sentiment d'injustice car cette crise ne les concernait pas.".Ils n'avaient pas envie de payer pour les émirs du
Koweit".....
On se quitte dans le hall du Mélia. Longues poignées de main, le regard de ces hommes étaient difficiles à soutenir. Et, dans cette demi-pénombre, c'était un peu irréel.Un dernier geste
et on s'engouffre dans l'ascenseur.
Retour au Rasheed, pas un mot dans la voiture. Nous sommes sous le choc.
Fin de soirée à discuter.Cette visite au Mélia nous a conforté dans notre envie de continuer à nous battre et de plaider pour ces "oubliés" pour leur retour en France.
"Mais est-ce qu'on nous laissera parler? Est-ce qu'on nous écoutera?
Vendredi soir, dîner avec Omar "un des guides" de notre délégation. La trentaine, convaincu,fier carré et passionné, c'est un personnage surprenant. Toujours impeccable,toujours ponctuel,
toujours disponible. Membre du part Baas, bien sûr. Cette fois il veut engager la discussion avec Philippe, notre journaliste, sur le fond. Il amorce une question
"la libération de tous les otages peut elle enclencher un processus de paix? Il veur réduire cette idée à néant.ça commence en douceur. Et, peu à peu le débat se transforme en bras de
fer.Et il explose tout à coup, le doigt pointé sur son interlocuteur: "Si tu n'était pas avec la délégation, je t'attacherais et je te frapperais!" Abderrahmanetraduit. Quelques secondes de
silence et Omar éclate de rire. La discussion reprend pied à pied. Incroyable cette volonté de ne pas lacher, sur rien.Cette obstination a vouloir faire plier l'adversaire. Un pur cet Omar, un
dur aussi.
Et puis tout à coup, il s'arrête. Un mot, une expression l'a touché.D'une voix douce, il saisit la main de son interlocuteur "tu vois, je me suis rapproché de toi avec cette discussion"
Puis reprenant son souffle, le regard dur, il ajoute " ET ça je ne le voulais pas."
Samedi soir, nous essuyons une véritable douche froide. Nous sommes convoqués à une réunion au siège de "Paix et solidarité" OUM RAZANE, nous attend. Souriante comme toujours, maternelle
presque. C'est elle qui suivait
de très près toutes les démarches de notre délégation.
En quelque mots, elle affiche la couleur. Plus question de visiter les sites, plus question d'une enrevue avec SADDAM. Pa question non plus de parler d'une libération d'otages. Le ton
s'était durci. Elle avait sorti un discours du "raïs" qu'elle avait lu, lentement, en insistant sur des passages. C'était u discours de fermeture.
"Il faut que la France renoue le dialogue avec l'Irak, qu'un homme politique français vienne ici, prendre contact avec nous. Alors on pourra reparler des "invités".
Nous étions consternés. J'interviens. En face, le ton se durcit encore, cassant presque.Chérif me jette un clin d'oeil. Il fallait décrocher. On se lève. Brèves salutations. OUM RAZANE,
toujours souriante, nous accompagne d'une phrase "n'ayez pas ce visage triste"
Dans la voiture, au retour, je dis à Chérif, de manière que Khaldoun me comprenne.
"Ils ne veulent pas libérer les otages, notre mission est quasi terminée. ON rentre au Pays. ON a accompli une grande partie de ce que nous avions espérer.Rendre visite à nos
compatriote française. Ici, il n'ont visiblement pas d'observer les traditions musulmanes qui veulent qu'un hôte ne reparte pas les mains vides" C'est bon, on rentre!!!
Khaldoun n'avait rien perdu du sens de mes paroles et il constatait bien qu'un énervement m'agitait.
Je lui confirmait, que nous voulions rentrer en France ,dès demain,, sachant bien qu'il ferait son rapport dès qu'il rejoindrait "Paix et Solidarité"
Le Dimanche fut lugubre,
Néanmoins, nous avions continuer d'oeuvrer au cours de cette journée.
Petit déjeuner avec un "invité français. C'est un "Thomson" Au menu: le discours prononcé la veille par SADDAM HUSSEIN, largement diffusé depuis hier soir par la télévision
irakienne.
Nous avions décortiqué soigneusement le texte de cette intervention. "Il ya du nouveau, il y a de l'espoir " dis je .
Ici, dans la petire communauté française, on ne parle que de ça.
A la "Une" le Bagdad Observer", quotidien irakien rédigé en anglais, que les invités ont surnommé "le thermométre" annonçait la couleur, en insistant sur la volonté irakienne d'engager un
dialogue avec la France.
"Après le discours de MITTERRAD à l'ONU, explique le quotidien, Saddam répond: " nous sommes en train de reprendre contact avec le gouvernement français"pour" clarifier nos
positions" et "engager le dialogue" sur des "bases solides".
Pour Gérard, "l'invité Thomson", pas de doute: " ça bouge" et cette fois "il y a espoir".
Hommage remarqué aussi de Saddam ; "Nous considérons que le disours du président français est différent des autres, dans sa forme, malgrè les objections que nous pouvons
formuler."
Et tout est bon pour confirmer cette détente: depuis 48 heures, les miliciens en armes ont disparu des carrefours de Bagdad.
Le mat nous rendions visite, aux Français logés à l'hôtel Palestine".Beaucoup de salariès d'entreprises française.(Technip-Thomson, etc...)
Visiblement, ils étaient content de notre visite. Et je leur repête ,infatigablement, ce que j'avais dit une dizaine de fois aux irakiens . "Que l'opinion publique française , dans sa
grande maajorité ne veut pas que la France entre dans un conflit avec l'Irak et que "l'unanimisme de façade contre l'Iarak était en train de se fissurer et que la classe politique, dans sa
grande majorié commençait à se réveiller."
Chérif ajouta; je ne sais pas si cette mission aura permis de faire avancer les choses, mais si, par hasard, le simple fait de parler a pu permettre une petite ouverture, alors c'est
énorme".
A 10 heurs, nouvelle tournée pour un autre hôtel. Nous allons au Novotel avec l'objectif, toujours de rencontrer des français.
A cette époque, le Novotel était dirigé par un français. " C'est la première fois qu'on parle sérieusement de dialogue" nous dit le directeur. Il nous précise qu'il avait pris ses
fonctions, il y à peine 3 mois. Il nous confie, que malgré tout ça qu'il n'st pas trop optimiste pour l'avenir.
Un homme d'affaires est là.C'est aussi un "invité", il écoute, puis intervient pour donner son analyse "Sans les otages